Microplastiques en fuite

Des rivières et lacs de la Région Sud, jusqu’à la Méditerranée.

Expédition MED vient de réaliser une étude sur les moyens de surveillance émissions de microplastiques des bassins versants de la Région Sud, Provence Alpes-Côte d’Azur, vers la Méditerranée.
La présence de microplastiques dans les fleuves, rivières et plans d’eaux est un phénomène peu connu, invisible, mais inquiétant.
Constat

Cette pollution constitue aujourd’hui une menace diffuse mais persistante pour les milieux aquatiques, la biodiversité et la santé humaine. Dans la région SUD (Provence-Alpes-Côte d’Azur), où se conjuguent densité urbaine, activités touristiques, agriculture intensive et façades littorales très fréquentées, les fleuves, rivières, plan d’eau, lacs, et zones humides sont des vecteurs majeurs de transfert des plastiques vers la mer Méditerranée.

Identifier et surveiller les sources et les voies de dissémination des microplastiques par les bassins versants est devenu un enjeu fondamental pour obtenir des informations et des données afin de mieux agir en amont sur les sources, les origines et les fuites de cette pollution.
Cette surveillance nécessite la mise en place d’outils et de protocoles adaptés au milieu fluvial afin de mesurer cette pollution invisible. L’objectif est d’obtenir des mesures de prévention et de gestion en amont par les politiques locales, en proposant un matériel adapté, associé à un protocole simple et efficace, pour des collectivités et/ou d’autres structures intéressées.

L’intérêt est donc de pouvoir apporter également des données pertinentes pour orienter les politiques publiques et la réglementation concernant la pollution plastique.

Depuis 2009, Expédition MED réalise chaque année, en collaboration avec des scientifiques et des citoyens, des campagnes de prélèvements de microplastiques équipée de son filet Manta pour étudier cette pollution en mer Méditerranée. Suite à un appel à projet de la Région Sud, l’association a proposé de cartographier des possibles voies de dissémination et de points de fuite de microplastiques dans des fleuves, rivières et plans d’eau du bassin versant du territoire.

La méthode

Il a été nécessaire d’adapter la structure du filet manta et la méthode de prélèvement au milieu fluvial et aux différents types de cours d’eau ainsi qu’à leurs accessibilités. La réalisation de deux premiers prototypes testés ont permis d’appréhender les différentes contraintes du milieu fluvial.
Les campagnes de prélèvements se sont déroulées à l’automne 2024 avec les premiers tests et repérages et la conception d’un premier prototype. Au printemps 2025 la poursuite des tests et la première campagne de prélèvements avec un second prototype. A l’automne 2025 la seconde campagne de prélèvement avec la dernière version du prototype qui a répondu aux différentes contraintes de nos objectifs.
Le troisième prototype (photos du bas à pu répondre à la majeure partie des contraintes).

Les sites de prélèvements

Les prélèvements de l’automne 2025 ont eu lieu entre mi-octobre et mi-novembre. Ils ont débuté sur le canal du Rhône, là où commence la limite régionale de la région Sud. L’échantillonnage s’est ensuite poursuivi dans le département du Vaucluse (84) sur le Rhône (Arles), la Durance (Cavaillon) et la petite rivière de la Sorgue. Un échantillon a ensuite été collecté sur l’étang de Berre, malgré des conditions difficiles en raison du fort vent et des vagues ce jour-là. Toujours dans le département des Bouches-du-Rhône (13), l’Arc et l’Huveaune, respectivement situées à Aix-en-Provence et Aubagne, ont été échantillonnées. Par la suite, des prélèvements plus au nord ont été réalisés dans le département du Var (83), sur l’Argens et le lac de Sainte-Croix dans les gorges du Verdon, dans les Hautes-Alpes (05), au lac de Serre-Ponçon, la Durance et le Buëch, ainsi que dans les Alpes-de-Haute-Provence (04), sur l’Ubaye, le Verdon et le Var. Pour terminer, deux fleuves du département des Alpes-Maritimes (06), la Siagne et le Loup, ont été échantillonnés pour conclure la campagne de prélèvements.

Au total, pour cette seconde campagne de prélèvements, 31 échantillons ont été prélevés sur 17 points de collecte, répartis sur 5 rivières
et 7 fleuves différents, ainsi que 2 lacs, un étang et un canal.

Descriptif 

Pour réaliser ces prélèvements, un filet de type Manta, doté d’une maille de 330 microns et d’un collecteur à son extrémité, ont été utilisé. Ce filet est identique à celui qu’Expédition MED déploie à bord du « Bonita », son navire laboratoire lors de ses campagnes de prélèvements en mer Méditerranée. Cependant, à la suite de nombreux essais et tests préalables, plusieurs modifications et améliorations ont été apportées avec la réalisation d’une nouvelle structure adaptée aux différentes types cours d’eau et également au filet, en lui-même.

Méthode de prélèvement 

Dans un premier temps, un contre-filet, une sorte de court premier filet muni de mailles plus larges (5 mm), a été ajouté. Celui-ci s’est avéré indispensable lors des prélèvements en rivière, car il permet de récupérer les plus gros débris de matière organique flottante (feuilles mortes, branchages, algues…), avant qu’ils ne viennent obstruer complètement le filet principal et son collecteur. Ensuite, par souci de portabilité et de praticité lors du déploiement, le cadre et les ailes en aluminium caractéristiques du filet Manta ont été remplacés par une structure plus légère et plus compacte. Les dimensions de la bouche du Manta sont quant à elles restées inchangées (25 × 60 cm). Un débitmètre, appareil permettant de calculer précisément le volume total filtré, a également été fixé au centre de la bouche du filet.

Sites de prélèvements

Pour chaque point préalablement repéré en fonction de critères spécifique et de l’accessibilité (station d’épuration, zone commerciale, zone urbaine, agriculture centre, …), deux échantillons, un en amont et un en aval de ce point, ont été collectés (à l’exception du canal du Rhône, de l’étang de Berre, du lac de Sainte-Croix et de l’Ubaye), pour lesquels il n’y a eu qu’un seul point de collecte. Comme en mer, le filet a été déployé durant 30 minutes pour chaque prélèvement. Selon la typologie du site, nous avons dû adapter la mise en place du filet afin de garantir la fiabilité scientifique du prélèvement.

Le filet a principalement été déployé depuis la berge, en l’éloignant autant que possible du rivage. Une grande partie des prélèvements a également été réalisée directement depuis le lit de la rivière ou du fleuve, en positionnant systématiquement le filet dans la zone où le courant était le plus adapté. Enfin, certains échantillons ont été collectés depuis un quai ou un pont, ou encore à l’aide d’un bateau/annexe électrique.

Types de courant 

Lors de chaque prélèvement, une attention particulière a été portée au positionnement du filet afin qu’il soit dans une zone au courant suffisamment importante pour filtrer un maximum d’eau, mais non turbulente, afin d’éviter tout brassage excessif susceptible de mélanger les microplastiques flottants.

Une fois le temps de prélèvement écoulé, l’échantillon récupéré dans le collecteur a été versé dans un tamis à maille de 200 microns, puis conservé dans un flacon contenant de l’éthanol (ratio 1:3). Les fragments plastiques récupérés dans le contre-filet ont été ajoutés au flacon final. À noter qu’avant chaque prélèvement, le filet a été rincé (sans collecteur) pendant quelques minutes.

Comprendre pour agir : identifier les sources et les processus de dispersion

La diversité des sources de microplastiques (granulés industriels, fibres textiles, fragments issus de la fragmentation des déchets, particules de pneus, microbilles cosmétiques) rend toute action aveugle peu efficiente. L’identification opérée par ce programme permet :

Sans diagnostic précis, les politiques restent générales et coûteuses sans garantir une réduction effective de la charge en microplastiques.

Image : Échantillons bruts avant analyse de la seconde campagne (automne 2025)

Cartographier les voies de dissémination et les points de fuite

Les rivières et fleuves fonctionnent comme des corridors qui concentrent, transforment et exportent la pollution plastique. La surveillance permet de démontrer l’intérêt et la possibilité de pouvoir échantillonner différents types de cours d’eau et de zones de concentration (tronçons urbains, embouchures, retenues où s’accumulent les particules…).
Cet outil et ce protocole permettront de mesurer et de comprendre les mécanismes saisonniers (crues, variables hydrologiques) qui mobilisent ou déposent les particules, de détecter des fuites ponctuelles ou chroniques (ex. rejets accidentels de granulés, dysfonctionnements d’installations de traitement).
Ces informations sont essentielles pour cibler d’éventuelles interventions (barrières flottantes, amélioration des réseaux pluviaux, actions de nettoyage ciblées), pour réaliser des états des lieux et mesurer les actions afin d’anticiper des épisodes de transfert massif vers la mer.

Apporter des données pertinentes pour orienter les politiques publiques et la réglementation

Ces données locales et reproductibles permettront également de nourrir les dispositifs réglementaires (Directive-cadre sur l’eau, Directive cadre stratégie pour le milieu marin, stratégies nationales et régionales “zéro déchets plastique”).
De par son aspect novateur ce programme s’inscrit dans le cadre de la stratégie de la Région Sud sur la pollution plastique en permettant de développer des collaborations avec les collectivités du territoire et les gestionnaires de sites potentiellement impactés par cette pollution avec :

Analyses  et perspectives

L’ensemble des échantillons récoltés est actuellement en cours d’analyse par le laboratoire spécialisé (Qualyse). Ces résultats permettront d’obtenir des informations sur la nature des microplastiques prélevés et potentiellement déterminer les sources et origines pour des actions en amont.

À l’heure où la région Sud se positionne comme un laboratoire de la transition écologique, les perspectives de ce programme rappellent que la lutte contre les microplastiques est un enjeu collectif, nécessitant l’engagement de tous.
Remerciements :

Alan d’Alfonso Real et Max Colombier pour la réalisation du premier prototype.
Christophe Rapuc du Syndicat Mixte d’Aménagement et de Développement de Serre-Ponçon (SMADESEP) pour sa disponibilité avec son bateau jaune pour les prélèvements au lac de Serre-Ponçon.
Emmanuel Cabanes (stagiaire master en aménagement du littoral) pour les premiers tests et prélèvements.
Nicolas Gosset, (coordinateur scientifique d’Expédition MED) et Bruno Dumontet (fondateur et directeur d’Expédition MED)
pour la coordination et la réalisation du programme général.

Les partenaires du programme
Galerie des différents sites de prélèvements de la campagne 2 :


Les partenaires du programme


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