Les micro-plastiques, bientôt dans notre assiette?
Photo: Vue microscopique du contenu gastrique d’un poisson Myctophidé. En rouge foncé, des microfragments de plastique sont identifiés, en brun-vert-bleu un filament plastique se distingue. Source : Expédition MED 2010 / Laboratoire Biodoxis / Fondation CIMA.
Les déchets plastiques souillent les océans et les littoraux du monde entier. Ils représentent entre 60 et 80% des déchets recensés en mer et sur les plages et proviennent pour 80% d’entre eux d’apports d’origine terrestre.
Si les conséquences de la présence de macro-déchets sur les organismes marins sont connues depuis de nombreuses années (étranglement, étouffement, blocage du tractus intestinal, blessures internes…), leurs effets sont souvent sous-estimés du fait de l’immensité des océans. On estime néanmoins qu’au moins 267 espèces dans le monde, dont 86% des tortues marines, 44% des oiseaux de mer et 43% des mammifères marins, sont affectées par cette pollution. Ainsi, chaque année, ce seraient plus d’un million d’oiseaux et 100000 mammifères et tortues qui meurent par étranglement ou ingestion de plastique. L’introduction de grandes quantités de débris plastiques dans l’océan ces dernières années a, par ailleurs, multiplié par trois les possibilités de dispersion des espèces exotiques, augmentant ainsi les risques d’invasion et d’affaiblissement de la biodiversité.
Les micro-déchets plastiques (particules inférieures à 5mm), qui résultent de la fragmentation de ces éléments plus gros, ainsi que de la dispersion directe dans l’environnement de particules plus petites comme les pellets (petites granules plastique utilisées comme matière première dans l’industrie), représentent une menace encore mal connue et peu documentée. Facilement transportables, ils se retrouvent jusque dans les endroits les plus isolés de la planète comme les Fidji et les îles subantarctiques. Nous en retrouvons également sur le littoral français et sur le pourtour méditerranéen.
Ces micro-plastiques ont une densité plus faible que celle de l’eau ce qui conduit à leur flottaison dans la couche d’eau de surface où les contaminants hydrophobes peuvent se retrouver concentrer jusqu’à 500 fois par rapport à la colonne d’eau sous-jacente. Des études portant sur les propriétés de ces particules ont permis de mettre en évidence les capacités d’accumulation de ces micro-plastiques, avec des concentrations en PCB jusqu’à un million de fois plus importantes que celles mesurées dans la colonne d’eau environnante. Une quantité infime de micro-fragments de plastique peut donc contenir une quantité considérable de contaminants. De plus, l’adsorption des contaminants sur le plastique empêche toute dégradation bactérienne ce qui induit leur persistance dans l’environnement.
Leur taille, leur forme voire leur couleur font que de nombreux organismes marins confondent ces micro-particules avec leurs proies habituelles. Chez les oiseaux par exemple, la présence de plastiques et de produits artificiels a été observée dès les années 60 avec une augmentation des fréquences d’occurrence de plus en plus importantes. Une étude datant de 1990 a montré que sur un total de 140 espèces d’oiseaux marins, 82 contenaient du plastique et autres débris allant jusqu’à 80% d’incidence d’ingestion chez certains individus. C’est d’ailleurs chez une espèce d’oiseau pélagique, les puffins, qu’une corrélation positive a été reportée entre la quantité de plastique ingérée par les oiseaux et les concentrations en PCB dans leurs tissus, apportant une preuve indirecte du transport des contaminants par les plastiques dans les organismes. D’autres études ont conduit à des observations similaires chez des tortues marines et des moules.
La contamination des organismes filtreurs comme les moules pose le problème de la contamination de toute la chaîne alimentaire. D’autant plus que les micro-fragments de plastique se retrouvent ensuite dans le système circulatoire de ces dernières et vont donc s’accumuler dans les tissus avec des conséquences sur les prédateurs incluant les oiseaux, les crabes…et l’Homme ! D’autres organismes situés à la base de la chaîne trophique sont concernés, c’est le cas du ver de vase A.marina, bien connu des pêcheurs, qui a été observé en train d’ingérer des micro-fragments de plastique, ou des poissons planctivores de type myctophidés, qui représentent 90% de la biomasse des profondeurs, et chez lesquels l’ingestion de plastique a été également constatée. Une étude réalisée sur une île Subantarctique a montré que la consommation de ces poissons par les otaries, les lions de mer et des poissons carnivores comme le thon, conduisait à l’accumulation chez ces organismes du plastique contenu dans leurs proies. Il reste à approfondir la question du transfert des polluants adsorbés à sa surface à l’aide d’études spécifiques…
Lors de la première campagne de l’Expedition MED, la quantité de déchets plastiques présents en Méditerranée a été estimée à 250 milliards de micro-fragments (voir l’article). Au vu de la capacité de ces particules a perdurer dans l’environnement et à accumuler les contaminants avec lesquels ils se retrouvent en contact, ainsi que, leur ingestion par les organismes marins, à quels effets pouvons-nous nous attendre en terme de bioamplification et de conséquences chez l’Homme ?
Au-delà de la Méditerranée, tous les océans de la planète sont concernés…